extraits du livre blanc "Territoires et Sociétés de l’information " INT édition 2003 http://www.wtis.org/spip/article08.html
[... 4.2. Le travail essaie de se situer entre vie professionnelle et vie le privée
A côté des illusions commerciales et économiques de 2000, l’explosion de la bulle Internet a fait redescendre tout le monde sur Terre. On pensait en effet avoir beaucoup demandé mais ce n’était qu’illusion. Il faut maintenant faire attention aux illusions culturelles et sociales.
L’accès à l’information par tous et pour tous, en tout lieu et à tout moment, rend la frontière entre vie privée et vie professionnelle plus floue. L’enjeu est de pouvoir maîtriser et canaliser ce phénomène.
Faut-il « éduquer » les chefs d’entreprise ou l’employé doit-il lui-même « se faire violence » en éteignant ses appareils mobiles et informatiques au moment ou il est en droit de le faire. La question des nouveaux rapports sociaux et au travail est en marche.
Internet et les nouvelles technologies ne sont pas utilisables par tous. Yves Lasfargues en fait une évaluation statistique. Si l’administration semble impactée dans son ensemble, 25% de la population manque à l’appel et n’aura jamais besoin de ces technologies dans le travail. Pire, il faut bien être conscient que 30% des gens ne savent pas, et ne sauront jamais se servir de ces nouvelles technologies.
4.2.1. Les douze évolutions du travail
Yves Lasfargues décèle douze évolutions du travail comme enjeux culturels et sociaux de la société de l’information.
Les grandes évolutions du travail qu’il nous faut apprendre à gérer dans la société de l’information ‑ 12 tendances dans l’évolution du travail et des métiers
ABSTRACTION
INTERACTIVITÉ
ABONDANCE
CHRONOPHAGIE
LOGIQUE CONTRACTUELLE
QUALITÉ TENDUE
VULNÉRABILITÉ
RESEAUX ET EQUIPE VIRTUELLE
NOMADISME
TRANSPARENCE
POLYVALENCE
CYBER HIERARCHIE
L’auteur explique cette évolution. Vers un travail de plus en plus ABSTRAIT: le travail s’effectue sur la représentation de la réalité apparaissant sur l’écran informatique et non plus sur la réalité. Vers un travail de plus en plus INTERACTIF: le travail consiste en un « dialogue » homme /machine pendant une grande partie de la journée (40% des utilisateurs de micro ordinateurs restent plus de 4 heures par jour devant un écran). Vers un travail exigeant une gestion de l’ABONDANCE de plus en plus complexe. Nous savons tout numériser vite et au moindre coût, et le nombre de données numérisées mises à notre disposition augmente chaque jour : plusieurs centaines millions de pages sont déjà accessibles sur Internet, et ce nombre croit régulièrement. Il faut donc gérer cette abondance de données, pouvant aller jusqu’à la saturation.
Vers un travail exigeant une GESTION DU TEMPS de plus en plus délicate, car les innovations technologiques sont de plus en plus chronophages. Plus les technologies vont vite, plus nous avons, l’impression de manquer de temps. Vers un travail en LOGIQUE CONTRACTUELLE. Les entreprises de certains pays fonctionnant depuis longtemps selon la « logique contractuelle » (USA, pays anglo-saxons, pays d’Europe du Nord, ... ): bien travailler, c’est respecter, à la lettre, le contrat passé. par exemple entre le chef et le collaborateur. Dans las pays «à logique de l’honneur » (pays latins, dont la France), bien travailler c’est essayer de comprendre l’esprit du contrat et « faire différemment, mais mieux ».
Vers un travail en QUALITÉ « TENDUE » : il faut gérer l’ensemble « flux tendu + qualité totale + flexibilité ». Vers un travail sur des systèmes de plus en plus VULNÉRABLES: du fait de leur complexité les outils technologiques sont de plus en plus fragiles, d’où la nécessité de savoir gérer les nombreux aléas (pannes, intrusions, virus, attaques frauduleuses, ... ). La gestion de la panne sera l’une des activités les plus importantes de la société de l’information. Vers un travail en RESEAUX: les T.I.C. permettent de multiplier les communications transversales qui viennent compléter ou perturber les traditionnelles communications verticales.
Vers un travail exigeant une GESTION DE L’ESPACE de plus en plus délicate: se développent le travail en équipe virtuelle, le télétravail mixte nomade, le commerce électronique à distance. Vers un travail exigeant la gestion de la TRANSPARENCE car toute activité effectuée sur un réseau électronique peut être enregistrée à distance. Vers un travail exigeant de plus en plus de POLYVALENCE, en particulier avec le développement des rapports commerciaux avec le client. Vers une CYBER HIERARCHIE, car le rôle des cadres est remis en question.
4.2.2. Des cyber-rapports sociaux à la mesure du travail dans la société de l’information.
Pour Yves Lasfargues, les douze évolutions du travail sont ressenties de manière très contradictoire selon les individus. Pour beaucoup de personnes elles sont sources de plaisir et sont jugées comme étant positives, qualifiantes et valorisantes. Pour d’autres elles sont sources d’exclusion. Force est de constater que nous ne connaissons encore que peu de choses sur les effets réels à long terme de ces évolutions, qui doivent encore être étudiées par les chercheurs, car les études sont encore trop peu nombreuses sur la généralisation de ces évolutions déjà présentes ponctuellement. Mais l’analyse détaillée de ces évolutions a mis en lumière les différences essentielles entre le travail dans la société de l’Information et le travail dans la société industrielle.
Dans la société industrielle.
Le travail, c’est d’abord de la fatigue physique. Toute réflexion sur les conditions de travail est dominée par la notion de fatigue physique, et la plupart des efforts pour améliorer les conditions de travail portent sur des facteurs physiques. On cherche à diminuer le temps de travail (car on estime que la fatigue physique est proportionnelle au temps de travail), on cherche à améliorer l’environnement physique (chaleur, bruits, poussières, ... ), on cherche à améliorer la sécurité physique (réduire les accidents du travail), on cherche à supprimer les travaux pénibles (mécanisation, automatisation).
Dans la société de l’information.
Le travail, c’est encore de la fatigue physique, mais c’est aussi beaucoup de fatigue mentale, de stress et aussi de plaisir. Ces trois dimensions n’étaient pas absentes des travaux de la société industrielle car comme le disent les ergonomes. Nil n’existe pas de travaux manuels, il n’existe que des travaux induisant à la fois des charges physiques et des charges mentales". Mais charge mentale, stress et plaisir occupent aujourd’hui, dans les enquêtes sur les conditions de travail chez les salariés, une place qu’ils n’avaient pas auparavant.
Comment mesurer la pénibilité dans la société de l’information ?
Deux nouveaux indicateurs doivent être construits selon Yves Lasfargues pour compléter l’indicateur traditionnel de mesure de la pénibilité qu’est le temps contractuel de travail. Il faudra être LUCIDE sur le niveau de deux nouveaux indicateurs car tous les effets du travail ne sont pas proportionnels au temps :
Indicateur n°1 : mesure de l’équilibre des temps
Il faut évaluer l’ensemble des temps pour dresser le graphique de répartition des activités. Etre LUCIDE sur la répartition des différentes activités doit permettre de répondre aux questions : l’équilibre entre ces activités est-il satisfaisant? Pour moi? Pour mes proches? Comment le faire évoluer ?
Indicateur n°2: mesure de la charge de travail ressentie ou ergostressie.
C’est la combinaison de la fatigue physique, de la fatigue mentale, du stress, de l’ennui et du plaisir. Etre LUCIDE sur la mesure de l’ergostressie, et son évolution dans le temps, permet de prendre conscience des principaux facteurs qui agissent sur les conditions de travail, sur le « bien être » au travail, et d’agir individuellement et collectivement pour les améliorer.....]